Dieter Brüll

10.04.2023

original : https://www.dreigliederung.de/themen/dieter-bruell/item/glossar
traduction F. Germani v.01 - 10/04/2023

Avec ses thèses sur la triarticulation sociale, Dieter Brüll a trouvé une oreille attentive auprès de nombreux anthroposophes actifs. Son livre "Der anthroposophische Sozialimpuls" [1] est un exemple de la manière dont la compréhension de la triarticulation sociale peut être minée par des hypothèses de base erronées.

La relativisation de la triarticulation sociale

La distinction qu'il a introduite entre macro-articulation, méso-articulation et micro-articulation montre à quel point Dieter Brüll n'a rien compris à la triarticulation sociale. [1] Ce qui pose le plus de problèmes, c'est ce qu'il entend par mésostructure, à savoir une triarticulation des institutions sociales, comme les écoles, car il ne complète pas, mais annule ce que Rudolf Steiner entendait par triarticulation sociale. Dieter Brüll en conclut que la mésostructure, la triarticulation au sein des institutions sociales, ne peut pas aller aussi loin que la macrostructure. En conclusion, Dieter Brüll relativise donc la nécessité d'une indépendance de la vie de l’esprit, de la vie de droit et de la vie de l’économie.

L'affirmation de Dieter Brüll selon laquelle Rudolf Steiner aurait été mal compris à l'époque va dans le même sens d'une relativisation de la triarticulation sociale. Pour lui, il ne s'agissait pas tant de l'indépendance que de l'interaction entre la vie de l’esprit, la vie de droit et la vie de l’économie. [1] Il est vrai que Rudolf Steiner pensait en 1922 que l'Angleterre, à la différence de l'Allemagne, était déjà parvenue à l'indépendance de la vie de l’esprit, de la vie de droit et de la vie de l’économie. Il n'y manquait que le pas supplémentaire vers leur interaction correcte. Mais Rudolf Steiner - à la différence de Dieter Brüll - ne relativise pas ainsi la nécessité de leur indépendance. Rudolf Steiner explique lui-même en 1922 ce qu'il entend concrètement par "interaction" en prenant l'exemple du capital et du travail. Pour avoir un impact extérieur correct sur la vie de l’économie, le capital et le travail doivent eux-mêmes ne plus faire partie de la vie de l’économie, c'est-à-dire qu'ils doivent devenir invendables. Si cette condition est remplie, il s'agit alors pour le capital de l'impact correct de la vie de l’esprit sur la vie de l’économie et pour le travail de l'impact correct de la vie de droit sur la vie de l’économie. Ces deux effets ne jouent cependant aucun rôle dans le système de pensée de Dieter Brüll. Dieter Brüll n'a pas réussi à donner un contenu concret à son souhait abstrait de coopération, de sorte qu'il n'a abouti qu'à relativiser la triarticulation sociale.

L'unification de la triarticulation sociale

En opposant l'autonomie et la coopération, on en est arrivé à une confusion lourde de conséquences. Là où la clarté de la pensée fait défaut, les instincts s'installent. Dans les années 1970, l'envie de tout démocratiser, y compris ce qui devrait au contraire être individualisé ou collectivisé, était prégnante. Dieter Brüll est tombé dans ce courant. On le voit lorsqu'il décrit comment il se représente concrètement la triarticulation au sein d'une école. En y déniant à la vie de l’esprit et à la vie de l’économie la compétence de prendre des décisions, l'impulsion démocratique est devenue chez Dieter Brüll seule déterminante. [2] [3]

Dieter Brüll avait déjà fourni la théorie de cette pratique des années auparavant en discréditant la vie de l’esprit et la vie de l’économie et en affirmant que seule la vie de droit était sociale. [1] En occultant le conseil dans la vie de l’esprit et le contrat dans la vie de l’économie, il a fait des deux une caricature d'elles-mêmes. Tant la vie de droit que la vie de l’esprit et la vie de l’économie peuvent devenir sociales chacune à leur manière. Mais le social global ne peut naître que de l'interaction correcte entre la vie de l’esprit, la vie de droit et la vie de l’économie. En donnant la préférence à l'une des trois, Dieter Brüll a contribué à la fragmentation croissante du mouvement social triarticulation. D'autres ont donné la préférence à la vie de l’esprit ou à la vie de l’économie. Tous sont ainsi parvenus, dans le meilleur des cas, à des vérités au tiers, qui leur ont fait perdre de vue la véritable triarticulation sociale.

La confusion de la triarticulation sociale

Par la manière dont Dieter Brüll tente de compléter la triarticulation sociale par l'impulsion sociale anthroposophique, il contribue à la confusion entre les deux. La triarticulation sociale, telle que Rudolf Steiner l'a défendue à partir de 1919, n'est pas la partie formelle et structurelle d'une impulsion sociale anthroposophique plus vaste [1], mais sa contribution au présent. Ce que Rudolf Steiner a présenté auparavant comme loi sociale principale se rapporte en revanche à des développements futurs. Anticiper sur eux n'est possible qu'à petite échelle. Dans le cas de la triarticulation sociale, c'est l'inverse, elle n'est possible qu'à grande échelle.

En s'efforçant de comprendre la triarticulation sociale comme purement formelle, Dieter Brüll a occulté des contenus centraux de la triarticulation sociale. C'est notamment le cas des déclarations de Rudolf Steiner sur le temps de travail comme question de la vie de droit. Il a ignoré cette sorte de séparation du travail et du revenu, telle qu'elle serait possible à grande échelle à l'époque contemporaine. Au lieu de cela, il rêvait d'une séparation absolue et fut le premier - avec son fils Ramon Brüll - à s'engager en faveur d'un revenu de base inconditionnel en se référant à Rudolf Steiner et à la loi sociale principale. [4] C'est là que la confusion fatale entre la triarticulation sociale et le revenu de base inconditionnel a commencé.

Notes

[1] Dieter Brüll [1984] L'impulsion sociale anthroposophique - Une tentative de la saisir.

[2] Dieter Brüll [1992] L'école Waldorf et la triarticulation - La mission embarrassante

[3] Dieter Brüll [1994] Comment fonctionne la vie libre de l’esprit ?

[4] Dieter Brüll [1987] Réflexions sur le revenu de base

Sylvain Coiplet

Mise à jour : 10.04.2023